12 façons de faire la grève

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La grève est souvent réduite à sa plus simple expression : une ligne de piquetage devant un lieu de travail où les syndiqué-e-s essaient de s’attirer la sympathie du public, et ce, sans obstruer les activités ou la production. C’en est d’ailleurs la triste définition selon le code du travail. Pourtant, il existe bien des façons de perturber ou de faire la grève ! La seule limite, votre imagination, et le seul critère, le rapport de force souhaité ! Voici douze différentes idées en vue de la journée nationale de grève et de perturbation du 1er mai 2015, n’hésitez pas à vous en inspirer.

Grève générale étudiante de 2012 (Crédits : Mario Jean / MADOC)
Grève générale étudiante de 2012 (Crédits : Mario Jean / MADOC)

L’action symbolique

Sans gêner la production d’un lieu de travail, plusieurs actions en appui à la grève générale peuvent être envisagées. La plus simple et répandue est de porter un symbole distinct sur vos vêtements (par exemple, le fameux carré rouge, l’effigie de la grève étudiante de 2012, ou des macarons). Vous pouvez organiser une ligne de piquetage symbolique devant votre lieu de travail et le bloquer jusqu’à l’heure d’ouverture, ou organiser une manifestation sur l’heure du dîner. Bref, les mots d’ordre sont : visibilité et conscientisation.

La grève légale

Selon le Code du travail du Québec, une grève légale ne peut avoir lieu qu’à échéance d’une convention collective, et en autant qu’un avis de négociation ait été envoyé depuis au moins 90 jours. De nombreux syndicats se retrouveront dans cette situation le 1er mai 2015, dont ceux de la fonction publique provinciale. Par conséquent, tout-e syndiqué-e peut, dans ce cadre, convoquer une assemblée générale et demander un vote de grève applicable le 1er mai 2015. Appliquée dans plusieurs lieux de travail différents, cette méthode peut avoir beaucoup d’impact. Par exemple, le 26 novembre dernier, lors du Grand dérangement, 5 000 employé-e-s de 25 municipalités différentes étaient en grève légale en même temps pour protester contre l’imposition de la loi 3 sur les régimes de retraites.

La grève illégale

Débrayage illégal des bagagistes d'Air Canada en 2012 à Toronto suite à une loi spéciale mise en place par le gouvernement de Stephen Harper. Les grévistes n'ont reçu aucune sanction.
Débrayage illégal des bagagistes d’Air Canada en 2012 à Toronto suite à une loi spéciale mise en place par le gouvernement de Stephen Harper. Les grévistes n’ont reçu aucune sanction.

De la même façon qu’une grève légale, il suffit que l’assemblée générale vote la grève selon le même processus, tout en acceptant l’illégalité de celle-ci. Comme tout acte de désobéissance civile, une grève illégale peut être réprimée. Par contre, la force d’un tel geste est d’affirmer que les travailleurs et les travailleuses sont prêt-e-s à prendre des risques légaux pour revendiquer leurs droits. Par conséquent, ce type de grève génère un impact plus grand, particulièrement lorsqu’elle est faite à grande échelle, puisque le risque de répression devient plus faible. On se rappellera que lors de la grève de 2012, les étudiantes et étudiants défièrent les injonctions qui les empêchaient de faire grève en bloquant massivement leurs institutions scolaires, et tout ça, sans la moindre arrestation.

La grève du zèle

Moyen très simple et sans danger de perturber l’activité économique d’une entreprise. Il s’agit que les employé-e-s appliquent à la lettre et de manière exagérée toutes les procédures demandées par l’employeur, respectent toutes les clauses de la convention collectives (si l’entreprise est syndiquée), fassent leurs tâches avec une précision extrême, ralentissant ainsi la production. Par exemple, pour les employé-e-s d’une chaîne de restauration rapide : offrir chaque promotion à la caisse, laisser la nourriture cuire le plus longtemps possible, s’assurer que les règles de santé et de sécurité soient respectées scrupuleusement, nettoyer frénétiquement l’espace de travail entre chaque tâches, etc. Le modus operandi : une file d’attente ? Rien en dessous de vingt ou trente personnes !

Ne pas se présenter au boulot

Simple et sans danger pour les non syndiqué-e-s, elle a peu d’impact direct sur l’employeur, à moins que les collègues embarquent, mais qu’importe, le mot d’ordre est : prenez congé, ou tombez donc ben « malade » ! Au moins vous serez libre de bloquer, manifester et participer à la grève du 1er mai !

Le canular

Voici une façon de faire la grève qui peut être efficace, tout en étant des plus amusantes. Grève et perturbations par voie de fausse information ! Imaginons qu’un courriel, provenant d’une adresse électronique similaire à celle du patron, soit non seulement envoyé à tou-te-s les employé-e-s pour leur donner congé, mais également les encourager à manifester et participer à la grève du 1er mai 2015, même si le patron se rendait compte de la supercherie à temps, ça ferait jaser, non ?

Le blocage interne

Technique utilisée dans toute grève qui se respecte, il s’agit simplement de bloquer tous les points d’accès à son lieu de travail. Des lignes de piquetage, certes, mais aussi des chaînes et des cadenas, de la colle dans les serrures des portes, ou encore du matériel lourd obstruant les accès. L’objectif du blocage interne : que ce soit patrons, cadres, « scabs » ou sous-traitants, personne ne rentre !

Le blocage externe

Blocage de la Tour de la Banque Nationale par des étudiantes et des étudiants en 2012.
Blocage de la Tour de la Banque Nationale par des étudiantes et des étudiants en 2012.

Une action utilisée surtout dans un cadre de désobéissance civile. Considérons : plusieurs groupes communautaires appuient la grève du 1er mai 2015, mais il leur serait inutile de bloquer une banque alimentaire ou un centre communautaire. Par contre, ces derniers et dernières pourraient bloquer une banque, un bureau de député-e, un centre local d’emploi, des bureaux gouvernementaux, etc. Très utilisée en 2012 par les étudiant-e-s, voire chaque jour aux bureaux du Ministère de ceci, du Ministère de cela, à la Bourse, l’idée se résume à ceci : « ceux qui ont le fric : faisons les chi… »

Le sabotage interne

Qui connaît mieux un lieu de travail que les gens qui y travaillent? Un fil débranché, un boulon dévissé, le système informatique qui « jamme », la machine qui grince soudainement, ça vous bousille une journée d’opérations, ça vous fait chuter la production. Par exemple, cet automne, lors d’un lock-out de la compagnie ArcelorMittal à Contrecœur, une voiture de la compagnie a mystérieusement pris en feu et des équipements de la compagnie ont été sabotés. Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Qui sait, les voies de la perturbation sont impénétrables…La semaine suivante, le conflit de travail prenait fin.

Le sabotage externe

Lors du contre-sommet du G20 à Toronto, en 2010, plusieurs vitrines de succursales de multinationales ont été brisées. C'étaient des actions de sabotage externe.
Lors du contre-sommet du G20 à Toronto, en 2010, plusieurs vitrines de succursales de multinationales ont été brisées. C’étaient des actions de sabotage externe.

Plus risqué, et souvent utilisé par les groupes d’affinité, ce type d’action implique de perturber les activités d’un lieu sur lequel on n’a pas d’emprise en temps normal, par le sabotage. En 2013, dans le quartier d’Hochelaga, on brise des fenêtres de restaurants huppés pour dénoncer l’embourgeoisement d’un quartier. En 2012, on peinture régulièrement en rouge la façade de ministères aux politiques austères, etc. Quoiqu’on pense, elle a l’avantage de perturber économiquement tout en ayant un fort impact symbolique.

Le blocage de communications

De nos jours, tout peut être virtuel, y compris la grève. Plusieurs entreprises brassent de grosses sommes via Internet et, pour les travailleurs et travailleuses lésé-e-s, congédié-e-s ou impayé-e-s, il est possible de résister à ce niveau. L’astuce est simple : demander à un nombre important de personnes d’utiliser et de bloquer l’ensemble des moyens de communications de la cible en les accaparant un maximum, que ce soit via le téléphone, le courriel, le fax, etc. Cadres et patrons y laisseront leur patience : « Puisqu’on vous dit que ce n’est pas la boucherie Sanzot ! » Plus fort encore, citons les nombreuses attaques informatiques perpétrées sur des sites gouvernementaux en 2012, perturbant l’activité virtuelle de plusieurs agences gouvernementales.

Le blocage des voies de transport

En 2012, les étudiants et étudiantes ont bloqué le Pont Champlain en pleine heure de pointe. Résultat, plusieurs kilomètres de bouchon en quelques minutes.
En 2012, les étudiants et étudiantes ont bloqué le Pont Champlain en pleine heure de pointe. Résultat, plusieurs kilomètres de bouchon en quelques minutes.

Le blocage des voies de transport est l’une des méthodes les plus efficaces pour perturber largement l’économie, idéale dans le cadre d’une grève générale ! L’idée est de bloquer les accès à des voies de transport importantes : des ponts, des chemins de fer, le métro, des dépôts d’autobus, des ports, des artères routières, l’accès à un quartier industriel, etc. Cela fait en sorte de perturber l’arrivée des travailleurs et des travailleuses sur leur lieu de travail, l’arrivée de marchandises ou l’arrivée des clients dans les lieux commerciaux. Le système nous gangrène, paralysons-le !